Le corps humain est capable de s’adapter remarquablement bien aux contraintes qu’on lui impose. Avez-vous déjà remarqué que la peau de vos mains est beaucoup moins épaisse que celle de vos pieds ? Probablement avez-vous déjà vu que ce n’est pas le cas pour un bébé. Avez-vous déjà remarqué à quoi ressemble la peau des mains des personnes travaillant sur les chantiers ? Elle s'épaissit en général beaucoup.
Et c’est vrai pour tous les tissus, le corps humain s’adapte très bien… quand on lui laisse le temps. Les muscles deviennent plus gros lorsque nous faisons de la musculation, les os deviennent plus solides, les ligaments s’épaississent, le cartilage prend du volume et il semblerait même que les disques entre les vertèbres bénéficient de la sollicitation mécanique qu’on va leur appliquer.
Mais évidemment, même à la salle de sport, il y a besoin de faire des temps de pause. Et c’est valable pour les sollicitations mécaniques de la vie quotidienne.
Le changement de posture c'est une pause
Imaginez rester assis, attaché, sans possibilité de bouger, pendant 12 heures d’affilée…
Même si vous n’en avez jamais fait l’expérience, vous imaginez probablement ça comme quelque chose de désagréable de ne pas pouvoir bouger.
Et pour cause, il n’existe pas de position qui soit confortable lorsqu’elle est maintenue [1].
C’est probablement pourquoi, lorsque nous sommes assis, nous bougeons tous inconsciemment : nous décollons une fesse, nous nous avachissons un peu, nous nous penchons un peu en avant, nous nous appuyons avec nos bras…
Et tout cela, c’est ce qui fait que la pression se répartit à différents endroits, un peu plus sur les fesses, puis un peu plus sur les cuisses, puis un peu plus sur les bras… Nous avons beaucoup de stratégies différentes pour faire des « pauses » de contraintes.
Et plus nous avançons au cours de la journée, plus le besoin de faire ces « pauses » se fait ressentir. Ainsi, les employés de bureau se mettent plus souvent debout en fin de journée ou quand ils ont eu des activités physiques sollicitantes [2].
Faut-il changer de posture ?
À une époque, il était recommandé de rester dans une posture dite optimale calculée grâce à la connaissance de la mécanique d’un individu moyen. Cela valait pour la position assise et la position debout, nous faisions même des conseils sur les bons gestes à réaliser pour soulever des objets du sol.
Le problème c’est que malgré de nombreuses études, ces stratégies ne semblent pas avoir montré d'effets significatifs sur la réduction des risques de douleur [3]. Depuis quelques années, un changement d’état d’esprit a eu lieu. Ainsi un auteur préconise de changer la manière dont nous préconisons de soulever des charges [4] :
- - D’abord entraîner les personnes pour que leur corps soit capable de gérer de manière plus optimale les contraintes, comme nous entraînerions une personne pour réussir sa séance de crossfit à soulever le plus de charges le plus vite possible.
- - Ensuite, changer de manière de soulever selon les effets attendus. Se pencher en avant s’il y a besoin d’économiser plus d’énergie, ou utiliser la technique la plus confortable s’il y a une douleur ou une gêne.
Et dans ce paradigme, changer de posture régulièrement est une excellente manière d’obtenir le plus de confort.
Est-ce que cela fonctionne ?
Laisser les gens choisir eux-mêmes leur posture pour soulever une charge du sol permettait d’optimiser la vitesse pour soulever, sans grand changement pour la mécanique du dos [5]. Il est possible que cela n’ait pas d’implication dans la vie réelle, mais soulever plus vite, c’est diminuer la fatigue.
Différentes manière de soulever : von Arx et al 2021. From stoop to squat: A comprehensive analysis of lumbar loading among different lifting styles. Frontiers in Bioengineering and Biotechnology, 9.
En ce qui concerne la position assise chez les travailleurs, se mettre debout de temps à autre dans la journée diminuait le risque d’inconfort ressenti à la fin de la journée dans une étude [6]. Des chercheurs ont voulu vérifier l’effet de placer des électrodes dans le dos pour activer les muscles des patients régulièrement. Ils ont remarqué que cela réduisait la raideur des muscles [7].
Toutefois des interventions pour favoriser des plus petits changements de posture n’ont pas encore fait démonstration d’efficacité et les chercheurs recommandent de garder ces interventions pour des personnes qui ont des douleurs au repos qui sont améliorées par le mouvement [8].
Parmi les interventions qui font varier les postures assises régulièrement, l’utilisation de ballons ou de chaise-ballon sont souvent recommandées. Les résultats dans les études sont plutôt mixtes que ce soit en terme de prévention ou de traitement des douleurs, cela ne semble pas une idée très efficace [9-11].
En résumé, les petits ajustements de posture répétés sur votre manière de vous tenir sont une option mais ne devraient pas monopoliser votre attention jusqu’à ce que nous en sachions plus sur les effets de ces stratégies. De grands changements comme passer de la station assise à la station debout en revanche ont des chances de vous permettre de vous sentir mieux à la fin de la journée..
Conclusion
Bougez ! Nous n’avons pas de conseil magique, toutefois changer de position, varier les postures, les gestes et les positions sont des conseils qui pourraient relever du bon sens et qui peuvent être recommandés aujourd’hui en attendant que de futures études nous éclairent encore plus sur ce qu’il est pertinent de faire.
Sources :
[1] Greene, R. D. et al. Transient perceived back pain induced by prolonged sitting in a backless office chair: are biomechanical factors involved? Ergonomics 62, 1415–1425 (2019).[2] Ten Broeke, P. et al. Temporal dynamics of sitting behavior at work. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 117, 14883–14889 (2020).
[3] Rodrigues Ferreira Faisting, A. L. & de Oliveira Sato, T. Effectiveness of ergonomic training to reduce physical demands and musculoskeletal symptoms - An overview of systematic reviews. Int. J. Ind. Ergon. 74, 102845 (2019).
[4] Washmuth, N. B., McAfee, A. D. & Bickel, C. S. Lifting techniques: Why are we not using evidence to optimize movement? Int. J. Sports Phys. Ther. 17, 104–110 (2022).
[5] Von Arx, M. et al. From stoop to squat: A comprehensive analysis of lumbar loading among different lifting styles. Front. Bioeng. Biotechnol. 9, (2021).
[6] Davis, K. G. & Kotowski, S. E. Postural variability: An effective way to reduce musculoskeletal discomfort in office work. Hum. Factors 56, 1249–1261 (2014).
[7] Kett, A. R., Milani, T. L. & Sichting, F. Sitting for too long, moving too little: Regular muscle contractions can reduce muscle stiffness during prolonged periods of chair-sitting. Front Sports Act Living 3, 760533 (2021).
[8] O’Sullivan, K., O’Keeffe, M., O’Sullivan, L., O’Sullivan, P. & Dankaerts, W. The effect of dynamic sitting on the prevention and management of low back pain and low back discomfort: a systematic review. Ergonomics 55, 898–908 (2012).
[9] Elliott, T. L. P., Marshall, K. S., Lake, D. A., Wofford, N. H. & Davies, G. J. The effect of sitting on stability balls on nonspecific lower back pain, disability, and core endurance: A randomized controlled crossover study: A randomized controlled crossover study. Spine (Phila. Pa. 1976) 41, E1074–E1080 (2016).
[10] Kingma, I. & van Dieën, J. H. Static and dynamic postural loadings during computer work in females: Sitting on an office chair versus sitting on an exercise ball. Appl. Ergon. 40, 199–205 (2009).
[11] Schult, T. M. et al. Sitting on stability balls: biomechanics evaluation in a workplace setting. J. Occup. Environ. Hyg. 10, 55–63 (2013).