Votre grand-mère vous répète que son arthrose de genou est plus douloureuse lorsqu’il fait froid et votre beau-frère se plaint de son arthrite rhumatoïde les jours de pluie. Votre voisin vous garantit même de vous prédire la météo de demain en fonction de sa douleur de hanche.
L’idée selon laquelle la météo aurait une influence sur les rhumatismes est quelque chose de très commun. D’ailleurs, il suffit d’un bref passage sur nos moteurs de recherche pour s’en rendre compte. [1] Les discussions sur les forums médicaux et les pages de blogs abondent pour tenter de répondre à cette curiosité du corps humain : y aurait-il vraiment un lien entre le temps qu’il fait et les douleurs de nos rhumatismes ?
Le froid et la pluie souvent incriminés
L’entrée dans la période hivernale n’est pas toujours très agréable et les personnes souffrant de douleurs persistantes le savent bien. En effet, 80% des personnes avec des douleurs persistantes citent la météo en 2ème position dans les facteurs d’entretien de leur douleur. Des variables comme le froid et la pluie sont les plus citées mais d’autres variables ont aussi été analysées dans les dernières études comme: la pression atmosphérique, l’humidité, l’ensoleillement, la couverture nuageuse et les rafales de vent.
Ces études mènent toutefois à des résultats discordants (comme souvent en sciences de la santé). Lorsque certaines mettent en avant un lien entre basse température et douleur, d’autres arrivent à une conclusion opposée. Et la situation se répète avec les autres variables comme l’humidité, les rafales de vent ou encore la pression atmosphérique. De plus, toutes ces études avaient des limites méthodologiques : pas de groupes de personnes suffisamment larges et variés, suivi des conditions météorologiques et des symptômes sur une période trop courte, pas d’enregistrements des conditions météorologiques là où les personnes vivent et travaillent ou encore d’autres biais impactant les niveaux de douleurs comme le sommeil, l’humeur et la pratique d’une activité physique. [2, 3]
Une application pour smartphone comme solution ?
Tentant d’éliminer ces biais et pour comprendre quelles conditions météorologiques affectent le plus la douleur, un groupe de chercheurs de l'université de Manchester a mené une étude de plus d’un an auprès de 13 000 résidents britanniques vivant avec des douleurs chroniques entre 2016 et 2017. [4] Les participants enregistraient chaque jour l'intensité de leur douleur dans une application pour smartphone (“cloudy with a chance of pain” ou “temps nuageux avec risque de douleur” en français) (cf image). Les données météorologiques étaient déterminées en fonction de l’emplacement GPS de leurs téléphones. Les chercheurs ont ainsi comparé les douleurs rapportées entre les jours de beau temps et les jours de mauvais temps. L'analyse a consisté à démêler l'importance relative des différentes composantes du temps (plus précisément, la température, l'humidité, le vent et la pression).
Des résultats qui confirment les croyances
Cette étude a permis de déterminer plusieurs points intéressants. Ces points rejoignent les convictions de nombreux patients.
Premièrement, une augmentation de douleur est constatée lors de certaines conditions météorologiques. Dans l’ordre d’importance : une humidité plus élevée, une pression plus faible et des vents plus forts. Bref pas de chance pour les bretons… En revanche, aucune association n’a été montrée avec la température. Donc un froid sec sans vent par exemple ne serait pas associé à une augmentation de douleur.
Deuxièmement, le temps le plus susceptible d'être associé à une augmentation de la douleur était une journée humide et venteuse avec une faible pression.
Troisièmement, le temps le moins susceptible d'être associé à une augmentation de la douleur était une journée sèche et calme avec une pression élevée.
Enfin, lors d'une journée de "mauvais temps" (humide, basse pression, venteuse), les personnes avaient 20% plus de risque d’avoir des douleurs par rapport à une journée avec un temps moyen.
Une meilleure compréhension des effets de l'environnement sur la douleur pourrait permettre aux scientifiques de mieux comprendre les mécanismes à l'origine de la douleur et de mettre au point de nouveaux traitements plus efficaces pour les personnes qui en souffrent.
Mais en attendant, pas question de rester au fond de son canapé les jours de mauvais temps. Continuer de bouger quelque soit l’activité et le temps de pratique, reste un allié de choix face aux douleurs persistantes.
Sources :
[1] Telfer, Scott, and Nick Obradovich. “Local Weather Is Associated with Rates of Online Searches for Musculoskeletal Pain Symptoms.” PLoS ONE, vol. 12, no. 8, Aug. 2017, p. e0181266, doi:10.1371/journal.pone.0181266.
https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0181266
[2] Beukenhorst, Anna L., et al. “Are Weather Conditions Associated with Chronic Musculoskeletal Pain? Review of Results and Methodologies.” Pain, vol. 161, no. 4, Apr. 2020, pp. 668–83, doi:10.1097/j.pain.0000000000001776.
https://journals.lww.com/pain/Fulltext/2020/04000/Are_weather_conditions_associated_with_chronic.3.aspx
[3] Duong, Vicky, et al. “Does Weather Affect Daily Pain Intensity Levels in Patients with Acute Low Back Pain? A Prospective Cohort Study.” Rheumatology International, vol. 36, no. 5, May 2016, pp. 679–84, doi:10.1007/s00296-015-3419-6.
https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs00296-015-3419-6
[4] Dixon, William G., et al. “How the Weather Affects the Pain of Citizen Scientists Using a Smartphone App.” Npj Digital Medicine, vol. 2, no. 1, Oct. 2019, pp. 1–9, doi:10.1038/s41746-019-0180-3.