Intérêt de la télésurveillance médicale dans le parcours de soins
par Anthony Halimi le 19 oct. 2023 09:00:00
Qu’ont en commun les montres connectées, les balances connectées et Axomove ? Tous ces outils gèrent des données de santé que les patients les autorisent à traiter. Lorsqu’on parle de données, la série Black Mirror nous vient directement en tête ainsi que les risques de dérives d’avoir ce genre d’informations en circulation.
Pourtant, ces données peuvent sauver des vies. Des articles de journaux depuis quelques années font sensation, mettant en avant des montres connectées dont les alertes ont pu permettre de déceler diverses pathologies ou anticiper des complications. Ont été détectées d’après ces journalistes : des embolies pulmonaires, une dissection aortique, une hémorragie gastro-intestinale,… Tout ceci est d’autant plus intéressant que les personnes étaient parfois éconduites après s’être présentées aux urgences, mais y retournaient grâce aux alertes répétées de leur montre.
Le bénéfice des alertes
Tout ceci fut possible grâce à un facteur majeur : le fait d’enregistrer régulièrement des données. Cela permet d’être vigilant lors d’un changement brutal dans celles-ci, même si ce changement reste dans une norme physiologique. Lors d’une consultation, nous avons souvent les données à un instant T, rendant difficile de savoir ce qui relève d’une variation de la normale ou d’un trouble de santé aigu.
C’est le principe même de la télésurveillance : se servir de données recueillies régulièrement pour trouver des alertes permettant de repérer précocement des troubles de santé dont souvent le patient n’a même pas encore conscience. Le France est un pionnier européen en termes de remboursement et de droit commun puisqu’elle est remboursée depuis juillet déjà pour 5 pathologies.
Les alertes peuvent servir à repérer d’autres éléments n’engageant pas le pronostic vital du patient, mais qui pourraient avoir de grands impacts : un descellement de prothèse totale de hanche repéré par une douleur intense ou incapacité de réaliser des exercices faisables jusqu’alors ou alors une neuropathie touchant le système moteur découvert dès les premiers signes par une perte d’endurance dans un entraînement en circuit… Les possibilités sont multiples.
Une aide à l’engagement dans l’activité physique
Réussir à maintenir une activité physique dans son environnement quotidien après l’avoir démarré dans un autre environnement peut-être un vrai défi. Une fois que l’exercice devient une habitude, manquer une session d’exercice ou deux n’arrêtera pas l’engagement dans cette tâche vertueuse pour la santé. Pour réussir à ce qu’une habitude se forme, il semblerait que l’essentiel est de réussir à maintenir l’activité physique pendant une certaine durée variable selon l’individu avec peu de sessions manquées1.
Réussir à maintenir une constance durant la formation de l’habitude serait donc d’une importance majeure pour créer les comportements de santé. L’environnement social étant impliqué dans les comportements, une stratégie efficace pour maintenir cette constance est d’impliquer d’autres personnes pour aider à la motivation. Et effectivement la télésurveillance remplit ce rôle très bien. Un professionnel suit à distance les données recueillies et pourra repérer si le patient expérimente des baisses de motivation et pourra l’aider à atteindre ses objectifs. Évidemment, la télésurveillance n’est pas un outil de répression. Le professionnel impliqué doit faire preuve d’une attitude aidante pour aider le patient à progresser dans la roue du changement2.
Une importance dans les modèles d’intégration du changement de comportement et la création de nouveaux comportements est donnée au sentiment d’auto-efficacité, c’est-à-dire le sentiment d’être capable de réaliser seul une tâche. C’est d’autant plus vrai pour l’auto-efficacité à l’exercice dans la pratique d’activité physique3. Combien de patients disent « Je n’ai pas fait l’exercice parce que je ne savais pas si je pouvais continuer, donc j’ai préféré arrêter » ? Ainsi, la télésurveillance, employée de manière judicieuse, pourrait remplir le rôle de rassurer le patient sur sa réalisation d’activité dès lors que l’implication du professionnel a été bien expliquée, et qu’il emploie des moyens adaptés à la psychologie de celui-ci.
Un outil de qualité de soins
Un des éléments majeurs augmentant le stress dans les situations de soin, est le fait de ne pas savoir réagir. Un nouveau symptôme apparaît : « Que faire ? Faut-il consulter à nouveau ? Est-ce que je progresse ? » Toutes ces questions et doutes assaillent les patients en permanence. La télésurveillance peut offrir le support parfait pour aider les patients à se rassurer sur tous ces points, sans avoir à revenir nécessairement à l’hôpital ou au cabinet de ville. Il peut noter ses nouveaux symptômes et se sentir rassuré de savoir qu’un opérateur peut vérifier assez fréquemment ce point.
La qualité de vie du patient augmente et ses questionnements sont moins nombreux. Il peut se concentrer sur la réalisation de ses soins, et surtout sur sa vie personnelle en ayant moins de sources d’inquiétudes sur son état de santé.
Tous ces éléments sont aussi un gain de temps pour les professionnels qui peuvent consulter les données en un coup d’œil quand ils sont habitués à le faire et repérer directement les informations essentielles. C’est aussi une bonne manière pour les soignants d’être sereins pour les patients dont ils avaient quelques doutes lors de la dernière consultation puisque ceux-ci peuvent leur adresser les informations dont ils ont besoin d’une manière efficace et peu chronophage.
- Lally, P., van Jaarsveld, C. H. M., Potts, H. W. W. & Wardle, J. How are habits formed: Modelling habit formation in the real world. Eur. J. Soc. Psychol. 40, 998–1009 (2010).
- Noah, B. et al. Impact of remote patient monitoring on clinical outcomes: an updated meta-analysis of randomized controlled trials. NPJ Digit Med 1, 20172 (2018).
3. Picha, K. J. & Howell, D. M. A model to increase rehabilitation adherence to home exercise programmes in patients with varying levels of self‐efficacy. Musculoskeletal Care 16, 233–237 (2018).
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